Art pour l'élite et / ou art pour le peuple ↑
Pendant longtemps l'art est resté le privilège d'une élite. Après le départ du roi Louis XIV pour le château de Versailles, le Louvre devient une réserve des collections royales, héberge des écoles et académies d'art et des artistes. La révolution le transforme en Muséum central des arts de la République. De nombreuses controverses et destructions font que tout n'est pas conservé, mais l'idée de conservation finit par surnager, même pour les oeuvres parfois éloignées de ce que qu'un oeil républication souhaiterait voir.Un art qui s'expose dans la rue, plutôt que dans un espace réservé, donc qui s'adresse au plus grand nombre tend naturellement à transmettre un message.
L'imagination occupe les murs ↑
Un graphisme simple mais percutant, et un slogan court caractérisent la production d'affiches de mai 68. Si le slogan Soyons réalistes, demandons l'impossible est repris de Che Guevara, les autres sont des créations originales. Ces slogans n'ont (malheureusement) guère pris de rides
Les sérigraphies d'Ernest Pignon Ernest ↑
En 1966 Ernest Pignon Ernest place au pochoir des sihouettes fantomatiques inspirées par le mur d'Hiroshima sur les routes, les rochers et quelques murs du plateau d'Albion et des alentours. Aucune photographie n'ayant été réalisée à l'époque, il n'exite aucune trace de cette installationC'est au plateau d'Albion que sont installés sous l'impulsion du général de Gaulle, 27 silos de missiles stratégiques (d'une portée de 3 000 km) porteurs de têtes nucléaires. Le site sera démantelé après la chute du mur de Berlin.
Le mur d'Hiroshima est un mur brûlé par l'explosion nuclaéire. Une photographie réalisée (en réalité à Nagasaki) après l'explosion montre une échelle et son "ombre" sur un mur, accompagnée de l'ombre d'un humain. On connait plusieurs de ces silhouettes humaines (dont une sur un escalier conservé au musée de la paix d'Hiroshima), seules traces des êtres vaporisées par les explosions de Nagasaki et d'Hiroshima.
En 1971 Ernest Pignon Ernest dépose sur les escaliers du Sacré-Coeur d'immenses rouleaux de reproductions sérigraphiées de communards (il juge la sérigraphie plus expressive que le pochoir pour ce sujet). L'installation est réalisé pour le centenaire de la commune de Paris (1871); la même sérigraphie est utilisée dans d'autres lieux tragiques, cadres de combats pour la liberté: les quais de Seine, le métro Charonne.
Avec une telle entrée en matière, on comprend que l'engagement d'Ernest Pignon Ernest reste inégalé.
Certains artistes sont plus provocateurs ou plus contestataires que d'autres; on pense à Goin ou à EZK Streetart. Banksy est plus ironique, mais aussi radical. Obey utilise des codes bien établis de la propagande.
Images iconiques ↑ (détails)
Les images iconiques véhiculent un sens connoté commun à toute une communauté. Beaucoup ont une sigification politique. Les deux images ci-dessous sont des pastiches de La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, 1830. L'image symbolise la République et a été abondemment reprise par les street artistes.

Un autre symbole de la République est Marianne (ci contre sous les traits de Nina, la fille de C215), identifiée par son bonnet Phrygien ou par l'utilisation d'un fond tricolore, elle a été reprise sous des déclinaisons encore plus variées.

La paix représentée par une colombe figure aussi dans les thèmes du streetart.

Enfin si les portraitistes sont nombreux, les oeuvres que l'on peut qualifier de portraits iconiques sont rares. Le portrait d'Ernesto Che Guevara photographié par Alberto Korda en 1960 est l'une d'elles. Transformé en une affiche en deux tons par Jim Fitzpatrick en 1967; c'est probablement le portrait le plus utilisé par les street-artistes du monde entier comme symbole de la résistance à l'oppression et à l'injustice.
Féminisme ↑
Cette image accompagnant le slogan "La Beauté est dans la rue" est l'une des rares (avec la Liberté inspirée de Delacroix présentée plus haut) de mai 1968 mettant en scène une femme. Là encore, il existe une ressemblance avec la Liberté de Delacroix dans la posture représentée; d'autres interprètent la scène comme une revendication féministe ne pouvant être portée que par les femmes: le pavé est jeté sur le spectateur, interdissant à celui-ci de s'associer au combat engagé.
Si on peut massivement associer le mouvement de 1968 à une revendication libertaire (incluant la liberté sexuelle), le féministe n'y a ni moins ni plus de place que dans la société en général et le féminisme s'inscrit dans une durée considérablement plus longue que le mouvement de 1968.
Alys Cheshire reprend le slogan, mais pas l'image. On pense plutôt ici à une défense du street art... qui embellit la rue.
Alors que les street-artistes féminines ont longtemps été rares, elles ont tendance à rattraper leur retard ces dernières années et les revendications d'égalité s'affichent de plus en plus sur les murs.

Miss_Tic est une pionnière. Ses femmes revendiquent leur indépendance et leur sexualité.

Le féminisme d'Alice Pasquini est discret, mais déterminé. Celle-ci peint préférentiellement des femmes ou des jeunes filles sereines et fières, loin des stéréotypes sexistes.

La production d'Alys Cheshire est encore rare, mais elle se remarque.

Le féminisme est parfois endossé par des street-artistes masculins comme EZK.
Références
Bibliographie
1982. Les affiches de Mai 68 ou l'Imagination graphique. BnF. Catalogue d'exposition; lire en ligne sur le site de la BnF.2010. Face Aux Murs. Ernest Pignon-Ernest. Delpire.