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Goin (prononcez go-in) se situe dans la lignée des grands du street art (Blek le Rat, Banksy) avec qui il partage pas mal de points communs, à commencer par sa technique reposant sur un pochoir très épuré et la réutilisation d'éléments iconiques. C'est un street artist engagé, peut-être en plus provocateur que les précédents, en tous cas en plus dénonciateur, moins ambigu. Rien ne lui échappe de la pollution nucléaire ou chimique, des comportements sexistes, des atteintes aux libertés. Il s'attaque à la religion, aux médias, aux puissances de l'argent.

Au début des années 2000 et même un peu avant, il participe à un étonnant musée de l'art urbain, la "Demeure du chaos", situé près de Lyon, ainsi qu'à un projet similaire utilisant un navire abandonné, le "Black Duke of Lancaster" échoué à Llanerch-y-Mor, sur la côte nord du Pays de Galles.

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Fukushima Danaids, centrale nucléaire du Bugey, 2014; © Goin
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Fukushima Danaids, centrale nucléaire du Bugey, 2014; © Goin

Ce stencil placardé sur un des murs de la centrale nucléaire du Bugey a été repris en couverture de la revue Sortir du nucléaire.
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"Bad Apple", rue du Phalanstère, Grenoble, 2015 (disparu); © CC by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale)

"Bad Apple" est un des pochoirs les plus connus de Goin. La pomme qui dans le conte traditionnel plonge Blanche Neige (Snow White) dans le sommeil est remplacée par une grenade tandis que Blanche Neige est identifiée à la version qu'en donne Wald Disney par son foulard. Le tout noyé dans un rose fushia.

Au final Hollywood (personnifié par Disney) distribue des pommes empoisonnées à nos enfants. Un thème largement partagé avec Banksy créateur de Dismaland, en particulier le monde fantastique de princesses et de poudre de fées construit par Disney dans le but de soutirer de l'argent aux familles et aux enfants.

On peut y voir une attaque de la société consumériste (qui diffuserait ici une fausse culture cinématographique), à moins que le grand méchant Oncle Sam ne dissimule ses ardeurs guerrières derrière le masque de Disney et ses films bien pensants. Sans oublier bien sûr la référence biblique au fruit interdit.
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Mains en prière, par Albrecht Dürer, 1508; domaine public, crédit Wikimedia.
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I Spray for You, 2014 ? rue Génissieu, Grenoble; © CC by NCSA (Attribution: Michel Racine)

I Spray for You est un pochoir de 2010 et Goin a ses références puisque les mains sont reprises d'Albrecht Dürer.

Goin ne prie pas Dieu, mais prie celles et ceux qui passent devant ses réalisations de réfléchir. Rien n'est peint gratuitement.
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Branded, rue Génissieu, Grenoble, 2015; © CC by NC SA (Attribution: Michel Racine)


Comme Banksy, il préfère l'anonymat et n'apparait jamais à visage découvert.
Comme Banksy, son art est minimaliste: pochoir épuré en noir et blanc, ajout souvent d'une ou deux couleurs symboliques, ajout parfois d'un slogan, plus rarement de logos de marques (comme dans la représentation du mariage Bayer - Monsanto ou celle des "bigs pharmas" Pfizer et Moderna). Comme Banksy son art est des plus percutants. Goin nous interpelle, nous pousse à la rélexion... et à l'action.
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Lady Refugee, parking Hoche, 2017; © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).

Comme Sheypard Feray, il vend certaines de ses affiches au profit d'oeuvres caritatives, tels les tirages de Lady Refugee pour une association venant en aide aux migrants naufragés.
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"Marianne au rouleau", 2014 (2018); © Creative commons (Attribution: Goin, pas d'utilisation commerciale).

Sa Marianne au rouleau, directement inspirée d'Eugène Delacroix est l'emblème de la Street Art Fest grenobloise.
Toujours inspirée de Delacroix, mais transposée dans un contexte plus moderne, sa liberté de 2016 est moins consensuelle.
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"L'Etat matraquant la Liberté" par Goin, 2016, sérigraphie (présentée Galerie Spacejunk); © Creative Commons (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).
En juin 2016, Goin provoque la polémique avec une fresque représentant une femme à terre, Liberté moderne tenant un drapeau bleu-blanc-rouge effiloché, frappée par deux policiers en tenue anti-émeute; sur un des boucliers de policier est écrit "49-3" tandis que le coude de la femme repose sur les livres "1984" de Georges Orwell et "Le Meilleur des Mondes" d'Aldous Huxley, le titre de l'œuvre étant: L'État matraquant la liberté; les services de police grenoblois ont tenté -sans succès- de porter plainte et la fresque tagguée par des pros et des antis a fini par disparaitre (elle était peinte sur un mur destiné à la démolition et la démolition est survenue -sans relation avec la polémique- bien plus tôt que prévu); un minimum d'analyse montre que la cible visée était davantage le gouvernement (et son premier ministre de l'époque, Manuel Vals) que son bras armé, c'est à dire la police.
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Toxic Wedding, 2018, par Goin; Place du 8 mai 1945, Pont de Claix; © Michel Racine.

Bien que réalisée à l'occasion de la Street Art Fest 2018, la fresque Toxic Wedding a été peinte en une nuit (et en toute discrétion). Elle se situe à moins de 100 mètres des usines chimiques de Pont de Claix.
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"Never go back to school" par Goin, 2020, © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale). Cliquez sur l'image pour basculer sur l'état d'origine de la fresque.
Ce pochoir situé à l'entrée du complexe scolaire Clémenceau, 5 rue Roger Louis Lachat à Grenoble a été mal compris (à tous les niveaux) tant le discours dominant attribue à l'école un rôle correcteur des inégalités sociales. Le masque à gaz est utilisé par Goin en référence à toutes les pollutions (radioactive, chimique et ici biologique puisque la fresque est réalisée dans les premiers mois de l'épidémie de Covid-19). Preuve de la rigidité idéologique de notre société, le message bombé par les écoliers a été effacé en repeignant le battant gauche de la porte (mais le reste du pochoir a été conservé): cliquez sur l'image pour basculer sur la fresque originale.

Goin s'explique sur le message (Ne retournez jamais à l'école) lors d'une interview pour Franceinfo. Dans une vision très illichienne (Ivan Illich, Deschooling Society); Goin dit: «ne conditionnons pas [les enfants] à être des bons petits moutons, je pense qu'il faudrait des cours d'anarchie et d'esprit critique dès le plus jeune âge».

Le coronavirus aura été un extraordinaire révélateur des inégalités sociales que certains voudraient faire oublier. Il y a les enfants qui ont leur propre chambre et ceux qui travaillent sur la table des repas; il y a ceux qui accèdent facilement à Internet et ceux qui n'ont qu'un téléphone... ou rien. Pendant le confinement les outils mis en ligne par le ministère de l'éducation ont révélé leur total sous-dimensionnement, les mensonges du ministre invoquant des attaques étrangères peinant à dissimuler la réalité. Pire les directives ont mis en avant les interactions entre le maitre et les élèves négligeant (sauf de la part des enseignants innovants) les interactions que les élèves pouvaient avoir entre eux.

En 2021, toujours à l'occasion de la Street Art Fest, Goin nous a gratifié de deux nouvelles fresques lourdes de sens.
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The Great Robbery (La grande Arnaque) par Goin, Street Art Fest 2021; © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine).
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The Great Robbery - On Patent Waiver (La grande Arnaque) par Goin, Street Art Fest 2021; © Michel Racine.

Sur un mur discret de l'hôpital universitaire de La Tronche, deux représentants des sociétés Pfizer et Moderna dissimulés sous des cagoules témoignent de la main mise des "big-pharmas" sur notre société. Vous trouverez un commentaire plus développé sur cette page. Le même pochoir est présent sur la devanture d'une pharmacie, place Championnet à Grenoble, preuve de l'importance que Goin accorde au sujet.

A moins de 100 m du musée grenoblois de la résistance, dans la rue Hébert (perpendiculaire à la précédente), sur un sujet tout aussi fondamental que la discrimination des juifs avant la seconde guerre mondiale (discrimination qui ménera à la shoah), mais plus actuel, Goin a placé le pochoir d'une jeune musulmane voilée portant une étoile jaune sur laquelle le mot Juif est remplacé par Muslim (l'étoile jaune et les rayures bleues font le lien entre les deux discriminations et nous appellent à la résistance). A Grenoble, Goin choisit minutieusement l'emplacement de chacune de ses fresques.
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Bad Religion, par Goin, 2021; © Creative commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).
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2 rue Hébert, par Goin, 2021; © Creative commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).
«Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi».

Article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 (un des textes fondateurs de la République française).

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The Moon Child, Grenoble, 2017; © CC by NC SA
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Just for Love, rue Genissieu, Grenoble, 2015; © inconnu

Pour terminer sur une note moins désespérée, il est important de faire toute sa place à une deuxième facette de l'œuvre de Goin, celle de l'amour. Elle représente souvent des enfants, qui souvent s'embrassent et le pochoir est accompagné d'un coeur tracé à la bombe ou d'un slogan comportant le mot love: l'espoir est dans la génération future.

Bibliographie

↑ Anarchically yours, une exposition au Spacejunk Art Center qui s'est terminée le 28 juillet 2018. Ni dieu ni maitre, ni religion, ni capitalisme ! La page de présentation de l'exposition vaut le déplacement.

Pascal Maillard. 2016. L'État matraquant la liberté. Sur le site Médiapart.

↑ Odile Morain. 2020. Le monde veut nous diviser, il faut se fédérer. Franceinfo.
Une interview qui explique les deux fresques grenobloises de 2020, pas toujours bien comprises. Mais pour l'ex. enseignant que je suis, la fresque Never go back to school, très illichienne, est salutaire.

www.goinart.net site officiel.
www.flickr.com/ Goin, par Goin sur Flickr.
goin.art/ Goin, sur Instagram.

Goin. The Art of Goin. J.S. Klotz Verlaghaus.
«Ceci n'est pas un livre; ceci est mon manifeste pour la résistance, la rébellion et le rejet de la caste dirigeante. Je veux ouvrir les consciences» (Goin). Commente les principales œuvres de l'artiste (jusqu'en 2020). A commander sur son site officiel pour un exemplaire dédicacé.