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Dossiers photographiques


Encerclé de montagnes, le lac est peu venté; ce n'est guère qu'en été que des brises thermiques se lèvent en journée sur le sud du petit lac. Ceci n'a pas empêché une navigation utilitaire. Deux familles de bateaux ont navigué sur le lac. Les naus, chalands à fond plat, non pontés, à voile carrée naviguent depuis le moyen-âge. A partir de la révolution française, les bricks, munis d'une quille, pontés, sont animés par deux voiles latines croisées; ils s'inspirent de la navigation en Méditerranée ou sur le Léman.
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Le port d'Annecy, gravure par Felix Benoist in Joseph Dessaix, 1864, département de la Haute Savoie. Domaine public.
Il fallait souvent plus d'une semaine pour transporter les marchandises (le lignite d'Entrevernes, le minerai de fer de Duingt, les pierres de taille, les tuiles de Saint-Jorioz, le bois de chauffage et le vin) !

Ces barques ont été victimes de l'accélération du temps propre à la société consumériste, le coup de grâce ayant été donné par la construction de la ligne de chemin de fer d'Annecy à Albertville, mais certaines navigueront jusqu'en 1930.
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Affiche de la compagnie de trains PLM, 1889, imprimée par F. Hugo d'Alesi, Paris. © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine).

Ces barques vont être remplacées, dès le milieu du 19e siècle par des vapeurs à aubes. La passe du Thiou est draguée (les matériaux extraits constituant l'ile des cygnes) et les quais sont construits (quai des Marquisats en 1843). Le Couronne de Savoie est offert par Napoléon 3 à la ville d'Annecy en 1861. Géré par la municipalité, ce vapeur fait deux à trois fois par jour le tour du lac et c'est à cette époque que sont construits septs débarcadères pour desservir les villages du bord du lac. A une époque où la voiture est peu répandue ces bateaux ont d'abord une vocation utilitaire en transportant passagers et marchandises.

Privée, la Compagnie de navigation du lac d'Annecy est fondée en 1873 et opère l'Allobroge, livrant une féroce concurence au Couronne de Savoie. La Compagnie des bateaux à vapeur remplace la Compagnie de navigation en 1886, elle rachète le Couronne de Savoie, lance le Mont-Blanc, puis le Ville d'Annecy (47 mètres) qui naviguera jusqu'en 1960. Le dernier vapeur à aubes est le France, mis à l'eau en 1909, 47 mètres, il comporte cuisine et restaurant, atteint 14 nœuds et fait le tour du lac en 2h15 (pour une tonne de charbon consommée). Concurencé par des diesels plus rapides, le France cesse de naviguer en 1963. Il a mystérieusement sombré par une nuit d'hiver en mars 1971 et repose aujourd'hui par 42 mètres de fond.
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Le France quittant le port d'Annecy, vers 1910; carte postale Pittier, domaine public.

Contrairement au lac Léman qui a su conserver quelques navires classés monuments historiques, les superbes vapeurs à aubes du lac d'Annecy appartiennent à un monde mythique et disparu.

Peut-être un effet du mouvement slow, l'Espérance 3 est la copie d'une des anciennes barques à voiles latines (l'Espérance 2). Contrairement à l'original, il est sans surprise plus destiné au transport des touristes qu'à celui de marchandises et ne se prive pas de moteurs (électriques). Il pèse 22 tonnes et les voiles couvrent 112 m2.
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L'Espérance 3 devant le château, 2021; © Michel Racine.
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L'Espérance à quai, vers 1910; auteur inconnu, domaine public, crédit Archives municipales d'Annecy.

Bibliographie

Stéphane Santini. 2018. Le France: la fascinante et mystérieuse histoire du dernier vapeur. Film documentaire de 54min. Aftermedia.

Stéphane Santini. 2018. Il était une fois le France. Ed Le Dauphiné.

L'Espérance 3. Reconstruction d'une barque à voile latine.