Carnet de route (printemps 2015)
27 mars: de Koto la vallée de la Naar Khola apparait comme une gorge impressionnante, comme une promesse d'aventure. Nous avons revu l'itinéraire prévu par l'agence de façon à laisser à Koto tout notre matériel de camping et alléger nos porteurs. Nous monterons en deux étapes à Phu au lieu des trois prévues (Koto > Dharmasala > Kyang > Phu); Nous redescendrons de Phu sur le nouveau monastère de Satek (qui remplace Yunkar) et non sur sur Chyaco; enfin nous espérons passer le Kang La en une seule longue étape de 9h de Naar à Ngawal, sans camper à Kang La Phedi. D'emblée le sentier est très beau; nous ne croisons plus de trekkeurs ici, comme sur le tour des Annapurnas, mais seulement une famille qui remonte deans son village de Phu quitté pour l'hiver. La forêt est activement exploitée et nous admirons la précision du geste des scieurs de long, découpant des planches uniformes dans des troncs d'Epiceas. Une maison de thé située à côté de la grotte / abri sous roche de Chongche permet de prendre le déjeuner. Plus haut le sentier s'abaisse et passe un court moment en rive droite; nous devons franchir d'énormes culots d'avalanches qui recouvrent complètement la Naar Khola. A Dharmasala un petit abri permet de faire la cuisine et s'ouvre sur une plate-forme réduite et caillouteuse pouvant accueillir quelques tentes si on souhaite s'y arrêter. Au dessus, la vallée s'élargit; une rude montée conduit au village de Meta qui semble un peu abandonné; c'est le village d'hiver des habitants de Naar et ils ne sont ici que pour s'occuper des quelques lodges qu'ils y ont construit.28 mars: le paysage change radicalement et évoque un climat plus sec; avec le soleil, on se croirait en méditerranée! les vieux Genevriers sont magnifiques; on dépasse les bergeries de Naar Phedi; Chyako apparait encore plus déserté (ce village a été construit il y a bien longtemps par des Kampas, réfugiés tibétains aujourd'hui partis ailleurs). A part une maison de thé construite récemment, il n'y a plus ici que des gardiens de troupeaux de Yaks. Plus haut, après Kyang, le paysage change à nouveau. Un sentier récent taillé dans la falaise offre une vue spectaculaire sur le canyon creusé par la Phu Khola, un univers qui évoquerait presque le Colorado (en plus petit quand même). Nous traversons à nouveau des restes d'avalanche. Un Boddhisatva gravé dans la roche annonce un pont par lequel le sentier bifurque en rive droite (je conseille de prendre cette bifurcation, elle dénivelle moins et est moins exposée aux avalanches que le sentier principal); après avoir retraversé la rivière, le sentier, de nouveau en rive gauche s'engage dans une gorge étroite. On chemine sous d'impressionants blocs morainiques (pas très sûr par temps d'orage) pour atteindre le portail d'entrée de la vallée de Phu et un grand mur de mani. La chance nous accompagne car tout est baigné dans la lumière dorée de fin d'après midi. Les chortens situés plus haut et le village lui même regroupé dans un amphithéatre en paraissent irréels.
29 mars: nous montons le matin au monastère de Phu mais les envies de bain et de lessive au bord de la rivière tournent court l'après-midi car la neige arrive.
30 mars: nous quittons Phu sous un aspect hivernal et l'étape tourne à un sauve qui peut; certaines parties du chemin ont gelé sous la pluie verglaçante pendant la nuit et deviennent exposées; les choses s'améliorent sous Kyang car la neige est moins froide. Au terme de l'étape le confortable monastère de Satek apparait comme un havre; il y a même un poêle à bois dans la salle à manger!
31 mars: tout le paysage a disparu sous un manteau blanc mais la nuit a dégagé le ciel, comme souvent; les Genevriers sont à présents couverts de neige et la montée à Naar est féérique. Le village de Naar sait se faire annoncer: une première porte d'entrée, puis bien plus haut un mur d'enceinte, puis encore plus haut un magnifique chorten, jusqu'à ce que les maisons apparaissent enfin au détour d'une crête. Contrairement à Phu, les lodges sont nombreux et la plupart ne passent pas inaperçus: il sont construits au dessus du village, dans un lieu qu'on réserve d'habitude aux monastères; une évolution très certainement regrettable. L'accueil reçu dans le village fait un peu oublier cette mauvaise impression: tous les habitants s'activent avec des pelles en bois pour dégager les terrasses avant que la neige ne fonde. Naar est un très beau village, mais le photographe que je suis doit ruser pour ne pas inclure dans son champ le mur fluo d'un lodge ou la verticale d'un lampadaire (car il y a des lampadaires qui éclairent Naar la nuit!).
1er avril: avec la dernière chute de neige, nous avons définitivement abandonné l'idée de passer le Kang La; nous prendrons quand même le temps de monter pendant une heure vers le col, en essayant de ne pas trop nous mouiller les pieds dans la neige fraiche. Et on redescend à Meta, village froid et battu par le vent.
2 avril: il a plu toute la nuit et encore ce matin; et l'itinéraire même toujours aussi spectaculaire n'a plus le charme de la découverte. Nous repassons le check post de Koto.
En pratique
Un permis est obligatoire, mais non le guide. Le chemin est unique et les bifurcations sont balisées par des panneaux; il y a peu de risques de s'égarer, mais l'itinéraire est exigeant: outre la longueur des étapes (ci-dessous), de grosses chutes de neige en fin d'automne peuvent avoir des conséquences dramatiques: la Naar khola peut devenir un piège, nous seulement par impossibilité de franchir le Kang La, mais aussi parce que certaines portions du sentier (entre Koto et Meta, entre Kyang et Phu) sont fortement exposées aux avalanches.Certains habitants de Phu et de Naar parlent suffisamment de mots d'anglais pour une conversation minimaliste, et il est possible de s'héberger en lodge sur la totalité de l'itinéraire au prix d'étapes assez longues. Tente et réchaud permettront des étapes plus courtes et éviteront surtout une très longue étape de plus de 9h pour le passage du Kang La. Phu est moins bien équipé en lodges que le reste du circuit: peu de places et confort plutôt sommaire (en contrepartie, le village n'est pas trop, voir pas du tout défiguré par des constructions inesthétiques). Dépêchez-vous!
Les sentiers sont spectaculaires; La gorge de la Naar Khola est grandiose; la végétation au dessus de Meta évoque un climat bien plus sec que tout ce que vous pouvez rencontrer sur le tour des Annapurnas et les paysages deviennent d'une splendeur minérale autour de Naar et Phu.