Le titre est un peu réducteur et caricatural (encore que de nombreux agents touristiques indonésiens utilisent ce terme pour dopper leurs ventes et que la proposition en 2019 de subordonner l'accès de l'ile de Komodo au payement d'une cotisation annuelle de 1000 USD le crédibilise); l'histoire montre que le choix entre une option libérale visant à développer un tourisme de masse et une vision plus écologique visant le long terme et la préservation de l'environnement n'a jamais été tranché, les populations locales prises en otage dans ce débat, étant perdantes à tous les coups.
Les conditions dans lesquelles sont accueillis actuellement les visiteurs (forcés de parcourir à toute vitesse des circuits de moins de deux heures qui frôlent la saturation) ne peuvent perdurer.
La création du parc n'a guère pris en compte les populations locales dont les ressources, limitées à la pêche vivrière, entrent en conflit avec la réglementation du parc (l'idée initiale était de déplacer progressivement ces populations). Malheureusement, les méthodes de pêche utilisées incluent les très destructives pêche à l'explosif et pêche au cyanure.
Quatre villages préexitaient à la création du parc. Komodo, Papagaran, Rinca comptent aujourd'hui chacun un millier d'habitants; Kerora est plus petit. Chaque gros village possède une école primaire, mais seulement 10% des enfants terminent cette scolarité (source Wikipedia). La malaria et les infections intestinales sont présentes sur les iles et pendant la saison sèche l'eau potable est même importée de Labuanbajo (source Wikipedia). Malgré ce contexte, la population du village de Komodo a été multipliée par 10 depuis les années 1960, en grande partie en raison d'une immigration depuis Bima.
L'incription du parc au patrimoine de l'UNESCO en 1991 a nettement aggravé la pression touristique sans apporter, malgré tous les discours, d'évolution significative vers un développement à long terme. Depuis 2005, le parc était géré par une entreprise privée, à savoir Putri Naga Komodo, une société en lien avec la famille d'un ancien premier ministre malaisien, souvent accusée de prises de décisions non concertées. La convention entre le parc national et cette société a été dénoncée depuis, mais ceci n'a en rien amélioré les choses, car les contrôles se sont relâchés et certaines règles sont même sans doute abandonnées (comme la réglementation des mouillages). La situation est opaque et confuse.

Les touristes arrivent essentiellement par bateaux habitables (de petits navires de bois pouvant héberger chacun une dizaine de clients) depuis Labuanbajo ou pire par des bateaux de croisière (toujours en bois mais plus luxueux et hébergeant cette fois plusieurs dizaines de clients) en provenance de Bali ou de Lombok. De ce fait, mais aussi à cause de l'évolution de la tarification du parc défavorable aux longs séjours, les hébergements aménagés par le parc à Loh Liang (près du village de Komodo) et Loh Buaya (sur l'ile de Rinca) sont à l'abandon ou fermés et une recherche approfondie est nécessaire pour apprendre qu'il existe un homestay dans le village de Komodo.
Les activités pratiquées par les touristes sont bien sûr l'observation des Dragons, mais aussi la plongée ou la détente sur les plages.
De nombreux auteurs, biologistes ou économistes intéressés par le tourisme se sont émus de la situation, comme Henning Borchers (Borcher, 2008), Maribeth Erb (Erb, 2012). Les villageois ne récupérent que les maigres recettes liées à la vente de souvenirs (comme des dragons en bois sculpté), alors que les taxes d'entrées sont intégralement captées par l'organisme gestionnaire du parc et par le gouvernement indonésien.
Ironiquement (?) élu parmi les 7 nouvelles merveilles de la nature par une fondation suisse en 2011, la situation du parc de Komodo est aujourd'hui extrêmement préoccupante et l'UNESCO ne semble guère s'en émouvoir. Mon point de vue est clair: ce parc n'a de national que le nom et quitte à être classé par l'UNESCO, il devrait figurer sur la liste du patrimoine mondial en péril. La réalité est surtout un énorme business, mais dont les habitants des iles sont totalement exclus.
Plus anecdotique, l'accroissement (?) de la population de Cervidés, principale proie des Dragons, permet la disparition de la pratique consistant à attirer les dits Dragons à l'aide de chèvres mortes apportées de l'extérieur, mais les guides du parc conservent l'habitude de déplacer des cadavres de Cerfs à proximité des entrées du parc (Loh Liang et Loh Buaya) pour "assurer" aux touristes la rencontre avec les Dragons.
Références
↑ Henning Borchers. 2008. Dragon tourism revisited: The sustainability of tourism development in Komodo National Park. In: Hitchcock, M., V. T. King & M. Parnwell (eds.), Tourism in Southeast Asia: Challenges and New Directions. NIAS Press, Copenhagen.↑ Maribeth Erb. 2012. The Dissonance of Conservation: Environmentalities and the Environmentalisms of the Poor in eastern Indonesia. The Raffles Bulletin of Zoology 2012 Supplement 25: 11–23.
Hitchcock, M., 1993. Dragon Tourism in Komodo, Eastern Indonesia. In: Hitchcock, M., V. T. King & M. J. G. Parnwell (eds.), Tourism in South-East Asia. Routledge, London and New York.
↑ Sara Schondhart. 2011. Is Komodo Island a real-life Jurassic park ?. PRI.