20180329_c188 /20180329_c103

Dossiers photographiques

L'agglomération de Grenoble est exceptionnellement intéressante du point de vue du street art; la richesse des oeuvres présentes est très importante, mais surtout l'ensemble est très représentatif de l'histoire du street art en France.
On y trouve l'une ↓ des plus anciennes fresques de l'hexagone, réalisée en 1979 par Ernest Pignon-Ernest, toujours visible (restaurée en 2016 grâce à une souscription).

En 1975, le collectif d'artistes "Les Malassis" installe onze fresques géantes sur panneaux, variations sur "Le Radeau de la Méduse" de Géricault qui fustigent la société de consommation, sur les murs d'un centre commercial (Grand Place). Les panneaux seront (malheureusement) démontés en 2000 dans l'indifférence lors d'une rénovation du centre.

Puis le mouvement graffiti venu des Etats Unis s'est considérablement développé dans les années 1980.

A partir de l'exposition hors les murs "Berriat 83" conçue par le musée de Grenoble et dénoncée par Alain Carignon, maire nouvellement élu la même année, les artistes grenoblois s'orientent vers la subversion. Cela va perdurer tant qu'Alain Carigon défendra "une certaine idée de l'ordre et de la rigueur" (c'est à dire jusqu'en 1995).

Dès 1998, Nessé, un graphiste local, égaie par ses représentations de la vie quotidienne "l'estacade", un ensemble de ponts supportant la voie ferrée et construits pour supprimer quatre passages à niveau. Ses fresques semblent bien acceptées (sauf par les adeptes du lettrage qui y trouveront une concurrence) et plutôt bien conservées (celles de 1998 ont cependant été recouvertes par l'artiste lui-même).

20180329_c059
La rue du Phalanstère, en 2018, © Michel Racine.
affiche_gsaf_2024
Affiche officielle 2024 de la Street Art Fest; © Street Art Fest
affiche_gsaf_2015
Affiche officielle 2015 de la Street Art Fest; © Street Art Fest

En 2015, l'agence Spacejunk est à l'origine de la Grenoble Street Art Fest qui se tient annuellement à la fin du printemps. Si la première édition était soutenue principalement par des sponsors privés, elle a reçu depuis une reconnaissance institutionnelle (la subvention versée par la ville est passée de 9 000 euros lors de la première édition en 2015 à 25 000 en 2016).

Cette évolution n'a pas été acceptée sans difficulté par les graffeurs grenoblois: le débat est très actif entre les deux versions du street art: l'officielle et la sauvage et s'exprime logiquement sur les murs.
20180621_c118
13 rue Génissieu, par Goin, état 2018; © CC by NC SA (Attribution: Michel Racine)
rue_genissieu_13-goin
13 rue Génissieu, par Goin, état d'origine en 2014; © CC (Attribution: Goin)

En témoigne la Marianne au rouleau de Goin (La Liberté d'après Eugène Delacroix), emblème de la Street Art Fest, présente depuis la première édition sur un portail proche de l'agence Spacejunk et taguée de part et d'autre par la bulle "Libres ?" et par un texte visant la Caisse d'épargne, partenaire financier de l'événement.

Les choses ne sont cependant pas aussi tranchées qu'il y parait: fidèle à son habitude, C215 ajoute à ses fresques officielles (sur le mur du musée de la résistance), une multitude de pochoirs sauvages de petite taille et souvent discrets dont la découverte constitue un jeu de piste; en décembre 2016, Goin provoque la polémique avec une fresque représentant une femme à terre, Marianne moderne tenant un drapeau bleu-blanc-rouge effiloché, frappée par deux policiers en tenue anti-émeute, le titre de l'œuvre étant: L'État matraquant la liberté; la fresque taguée par des pro et des anti est rapidement disparue (un sort qui rappelle celui affectant les productions de Banksy).
20180621_c159
Un des inquiétantes statuettes d'Isaac Cordal ; © Michel Racine.
20180621_c156
Sérigraphie de Cobie, pont du Drac ; © Michel Racine.

En 2017 et 2018, Cobie couvre de ses absurdes (mais pas tant) slogans sérigraphiés le pont sur le Drac ou les petites rues du quartier Championnet. Les petites statuettes de ciment d'Isaac Cordal évoquent une société aliénée et coupée de la nature.

Un street art officiel, oui, mais qui ne renie pas ses origines.

Toujours est-il que le street art grenoblois revêt aujourd'hui des formes extrêmement variées: grands ou petits murals d'artistes souvent reconnus; fresques réalisées en concertation avec les habitants; murs illustrant la vie des quartiers, street art "sauvage"...

Dans tous les cas ce street art donne à réfléchir. Ce qui suit est présenté par quartier, pour vous faciliter la visite. Quelles unes des œuvres les plus anciennes ont mal vieilli et sont couvertes de tags, ou ont été remplacées par de nouvelles, mais nombreuses sont celles toujours visibles.

L'Estacade (détails) ↑ 

20180329_c190
Le chantier de l'estacade, en 1963; cours Jean Jaurès, par Nessé, 2016; © CC by NC SA (Attribution: Michel Racine).

En 1963 de grands travaux sont engagés pour la suppression de quatre passages à niveau en pleine ville, et terminés un an plus tard. L'ouvrage d'art ferroviaire de 600 mètres, nommé l'estacade enjambe le cours Jean Jaurès et comprend trente trois travées de soixante six piliers. Il abrite un parking et un marché très important. Entre 2008 et 2016, Nessé va recouvrir les 3 000 m2 de béton, avec parfois l'aide d'artistes venus d'autres horizons, un travail titanesque.

La décoration des piliers, simple, s'inspire de l'art nouveau; les grandes fresques illustrent la vie du marché ou l'histoire ferroviaire, avec un brin de nostalgie. L'art de Nessé, très réaliste, peut être qualifié d'art populaire; certains le trouveront un peu lénifiant ou consensuel.

Le centre et l'ile verte (détails

20210817_c068
Bad Religion, 2 rue Hébert, par Goin, 2021; © Creative commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).

Le centre historique.

Bonne et Hoche  (détails

20181115_c42
Mime (détail), 2016, par Anthony Lister; Street Art Fest; rue François Raoult; © Michel Racine.

Sur les murs du Parking Hoche et du gymnase voisin se trouvent quelques unes des fresques les plus intéressantes de la ville.

Quartier Championnet (détails

20180329_c074
Agence Spacejunk, rue Génissieu; © Michel Racine.

Les ruelles de ce quartier présentent de nombreuses fresques. La densité maximum est cependant atteinte rue Génissieu, où se trouve le local de l'association / galerie d'art Spacejunk, organisatrice de la Street Art Fest.

Berriat  (détails) et Saint Bruno (détails

20180329_c183
Par Snek (pignon de gauche), Ink4rt (au centre) et Monkey Bird (pignon de droite), Street Art Fest 2017; © Michel Racine.

A l'égal du quartier Championnet, le cours Berriat et le quartier Saint Bruno sont des lieux "phares" du streetart grenoblois, marqués par une forte identité.

Quartier Chorrier (détails) ↑

20190813_c051
56 rue du Drac; Find_Balance par MC Baldassari, 2019; © Creative Commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale)

La rue Nicolas Chorrier et les rues perpendiculaires la reliant au Cours Berriat sont le support d'œuvres très variées, d'artistes connus ou moins connus, crées lors de la Street Art Fest ou pas.

Fontaine (détails

20180329_c183
"Les yeux dans les yeux", par Seth, Street Art Fest 2021; © Michel Racine.

Le street art très présent dans le quartier Berriat se prolonge sur les rives du Drac et, avec de grandes fresques plus "officielles", sur Fontaine.

Seyssinet-Pariset (détails) ↑

20240829_c44
"Le calme malgré la tempête", par Snek; Street Art Fest 2022; © CC by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).


Quartier de la Villeneuve (détails

20180329_c002
Affiches, bourse du travail de Grenoble, 1979, restauré en 2016; © Creative Commons by NC SA (Attribution: Michel Racine, pas d'utilisation commerciale).
20180329_c022
L'Esprit nouveau par Augustine Kofie, 2016; © Michel Racine

Quelques fresques monumentales comme celle d'Augustine Kofie, mais aussi nombre d'œuvres réalisées en collaboration avec les habitants et les élèves.

Dans les années 1970, le quartier de la Villeneuve fut un des projets phares de la municipalité de Grenoble, avec des objectifs de mixité sociale, de promotion des activités culturelles et une architecture favorisant les cheminements piétonniers.

La galerie de l'Arlequin a pris la place du stade construit pour les jeux olympiques de 1968. Construits sous la directive de George Loiseau et Jean Tribel les bâtiments ont connu une histoire mouvementée (les projets décoratifs initiaux ont été remaniés) et l'objectif de mixité sociale a été perdu au fil des années. Témoins de ces contradictions, le collège-maison de quartier (regroupant la bibliothèque, des salles de spectacle et de réunion, un centre audiovisuel, un centre social, des services, un restaurant self-service et des ateliers) à joué un rôle profondément novateur dans les années 70 et la galerie de l'Arlequin est aujourd'hui classée "patrimoine du 20e siècle", mais le numéro 50 a été détruit en 2013 avec l'opposition des habitants.

Les grands boulevards  (détails)

Avec les quartiers qui suivent cette zone n'a guère en commun que la dispersion des oeuvres. Elle est pourtant loin d'être à négliger parce que souvent les plus imposantes et les plus expressives de la ville.
20190624_c111
Rose Girl, par Obey (Sherpard Fairey), Street Art Fest 2019; © Michel Racine.

Situé sur le pignon aveugle d'une résidence étudiante et donnant sur une des avenues les plus fréquentées de Grenoble, ce mural est selon son auteur un appel à la paix et l'harmonie entre les humains et la Terre.

Sans oublier que la Rose est le symbole de la ville de Grenoble.

La Tronche  (détails)

Saint Martin d'Hères  (détails)

20210703_c010
"Vaneta, Keeper of the Forest", 2018, par Sonny; © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine, Pas d'utilisation commerciale).

La plupart des œuvres présentes sur le campus universitaire sont concentrées sur les bâtiments de la résidence ouest, toutes très poétiques dans une zone paisible et très verte, une visite reposante. Les autres fresques, pourtant tout aussi intéressantes voire incontournables comme La Liberté au rouleau de Goin (emblème de la Street Art Fest) sont plus dispersées.

Pont de Claix (détails

20181115_c88
Toxic Wedding, par Goin, Street Art Fest 2018; © Michel Racine.

La fresque de Goin a été peinte en une nuit, en toute discrétion, comme à son habitude, sur le pignon d'une ancienne école maternelle abandonnée. Les usines de la chimie grenobloise (dont aucune n'appartient au groupe Bayer sont à 100m).

Echirolles (détails

En pratique 

20180621_c034
Tramway aux couleurs de la Street Art Fest ; © Michel Racine.

Les rues du quartier Championnet se parcourent facilement à pied, la galerie de l'Arlequin aussi; ailleurs le vélo, populaire à Grenoble peut être un mode de locomotion intéressant, sinon prenez un pass transport pour la journée, les tramways sont très fréquents (un peu moins le soir) et confortables.

Bibliographie

Art urbain, le cas de Grenoble Phase III.

Art et patrimoine de la Villeneuve de Grenoble
Des photographies des fresques des Malassis.

Jérome Catz. 2018. Grenoble Street Art Fest 1, 2, 3. Spacejunk Grenoble.
Le livre des éditions 2015, 2016, 2017.

Grenoble Street Art Fest (Street art Festival); le site officiel.
Carte des œuvres. Une carte interactive sur le site officiel, enfin!
Carte des œuvres. La carte interactive des oeuvres 2019 (officielle); plus complète que le livret.
https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1jvs4eY0YNCNa8FG_HmENF7pfx-qfIHLY&ll=45.18517813375734%2C5.727427846450837&z=17 Plan des principaux murs réalisés en 2015, 2018 et 2017, sur le site officiel.
Le livret de présentation 2019 (pdf) a été disponible en version papier à l'office du tourisme. Contient des cartes par quartier reprenant les fresques principales de 2015 à 2019.
Le livret 2015-2021 (pdf). Sans doute une des meilleures compilations

Open Street map. Une autre carte, présentant d'autres fresques (les ressources grenobloises sont sans limites).
Grenoble Street Art, par Barnes38, une carte interactive Open Street Map, plus complète que d'autres, mais malheureusement aucune des photographies n'est légendée.
Sacha Dalis, Amandine Dargaud, Laure De Bokay, Brian Levardon. 2017. Le street art à Grenoble entre événementialisation, instrumentalisation et appropriation. Compte-rendu de terrain, ENS.

 ↑ Léa Sallenave. Les récits imagés autour du Grenoble Street Art Fest : le street art, outil d'exploration et de valorisation territoriales ? Représenter les territoires / Representing territories, CIST, Mar 2018, Rouen. pdf

 ↑ Initiative citoyenne européenne No profit on pandemic. Pétition.