Dossiers photographiques
- Expositions: vues verticales;
A Paris
Sa première réalisation parisienne s'inscrit dans le cadre du projet Street Art 13, initié par la galerie Itinerrance et le maire du 13e arrondissement. Dans Rise Above Rebel la femme représente tous ceux qui se relèvent et refusent l'opression, mais ethniquement évoque vaguement l'Europe de l'est.
En 2015, à l'occasion de la COP 21, il réalise une sphère géante suspendue sous la Tour Eiffel. Le mural Delicate Balance reprend ce thème.

Cette marianne est d'abord une affiche crée à la suite des attentats du 13 novembre 2015 et mise en ligne en soutien aux parisiens par l'artiste. Pour Obey l'art doit encourager la "paix, l'harmonie et la tolérance". De fait il réutilise dans cette affiche les codes et l'effigie féminine d'une autre affiche "Make Art, no War", de 2013. Le mural apparait lui en 2016 au 186 rue Nationale et s'inscrit dans le projet Street Art 13 dont Obey est un récidiviste. Pendant la campagne présidentielle de 2017, l'affiche était déjà dans le QG d'Emmanuel Macron et elle a été déplacée dans son bureau à l'Elysée après son élection (Le Parisien, 2017). Le fait qu'elle se soit trouvée bien en vue lors de plusieurs interviews présidentielles a contribué à la notoriété de cette marianne.

A coté du Chuttt... énigmatique de Jef Aérosol (qui évoque les peintures surréalistes du musée d'en face), Shepard Fairey a placé en 2019 ses deux déesses grecques de la connaissance et de l'action; un peu incongrues en ces lieux quand même. Obey joue-t-il le décalage temporel?
A Grenoble
Situé sur le pignon aveugle d'une résidence étudiante et donnant sur une des avenues les plus fréquentées de Grenoble, ce mural est selon son auteur un appel à la paix et l'harmonie entre les humains et la Terre.
La rose est un des éléments fétiche de Shepard Fairey, présente sur de nombreux murals, mais ici c'est aussi le symbole de la ville de Grenoble.
Biographie
Obey est un des noms les plus influents de la scène streetart internationale et (donc) aussi un artiste controversé. De son vrai nom, Shepard Fairey, il réside actuellement à Los Angeles.
Diplômé de la Rhode Island School of Design en 1992, il se fait connaître grâce à une campagne d'autocollants et d'affiches placardés dans toute la ville de Providence alors qu'il est encore étudiant (André the Giant Has a Pose), inspirées par le catcheur français André Roussimoff.

Dans ses premières productions Shepard Fairey qui est d'abord un propagandiste s'inspire de tout ce qui lui tombe sous la main; il se construit peu a peu un style, basé sur de nombreux emprunts, mais parce qu'il utilise ce qui est efficace. Un de ses mérites est la grande transparence de son site officiel où tout ce qu'il a produit depuis l'origine (au moins sous forme d'affiche) est consultable. Fairey s'est beaucoup inspiré de la propagande marxiste, soviérique et surtout chinoise. Fairey a décliné le slogan "Big Brother is watching you" (du roman de Georges Orwell) sous de multiples formes dont un portrait sérigraphié directement repris du film de Michael Anderson. Il reprend souvent ce poster et celui d'André Giant dans ses propres campagnes publicitaires (sous forme d'affichage sauvage) en accompagnement d'expositions ou de réalisations nouvelles.

On lui a souvent reproché de ne pas créditer les dessinateurs ou les photographes dont il réutilisait les oeuvres, par exemple pour le Big Brother clairement copié du film 1984 de Michael Anderson ou les photographies dont sont tirés des portraits (présentés ci-dessous) comme ceux d'Obama (photographe Mannie Garcia) et d'Aung San Suu Kyi (ce dernier inspiré semble-t-il de Richard Vogel, 1996).
Dans les années 2000 il réalise de nombreux portraits d'icônes, dont il se sert pour soutenir diverses causes sociales ou politiques, comme l'affiche pour Barack Obama accompagnée par trois slogans: Hope, Vote, Change; ou comme celle à l'effigie d'Aung San Suu Kyi, lorsqu'elle est assignée à résidence par la junte birmane.

Le thème de la rose au fusil apparait dans deux affiches de l'année 2006. La première est reprise de la propagande chinoise des années 60 (le fond de rayons solaire est lui aussi de la propagande chinoise). Le Dalai Lama a fustigé le slogan de Mao Tsé Toung soulignant les faits que le pouvoir issu du canon des fusils était éphémère et que la justice, la liberté et la démocratie finissaient par être imposées par les peuples.

Je ne sais pas dans quelle mesure Obey a crédité à l'époque Edward Nachtrieb, toujours est-il que depuis il se sont mis d'accord pour défendre des valeurs communes lors du 20e anniversaire des événements tragiques de Tiananmen ce qui s'est traduit par deux posters de Shepard Fairey reprennant des photographies du premier (Long Life the People).

Quelles que soient les accusations de plagiat, son engagement est réel. Sa défense du pacifisme est constante. Symbole chrétien du Saint-Esprit, la Colombe est associée à l'idée de paix dans le monde occidental depuis le 20e siècle une association popularisée par le dessin qu'en fait Picasso en 1949. La Colombe est en médaillon sur le portait en soutien à Aung San Suu Kyi de 2009. Dans le mural de Santa Fe et l'affiche de 2013, la paix est associée à une femme d'inspiration art nouveau. Dans le mural de Grenoble de 2019, l'image de la femme est plus actuelle, mais toujours associée à la paix.
Comme déjà dit Fairey s'engage dans la politique américaine en 2008 en soutenant la candidature d'Obama. En 2017 il participe à la campagne de protestation contre la politique de Donald Trump (officiellement une campagne non partisane destinée à initier un dialogue national à propos de l'identité américaine pour son organisateur amplifier.org). Il réalise alors trois des six affiches intitulées We the People (ce titre est constitué des trois premiers mots de la constitution des Etats-Unis). Cette fois Sherpard Fairey a soigneument choisi ses sources, pour leur qualité photographique, mais aussi pour ce que symbolisent leurs auteurs (qui sont toutes des femmes): la femme musulmane est une photographie prise par Ridwan Adhami, elle même musulmane; la femme latino (Maribel Valdez Gonzalez) a été photographiée par Arlene Mejorado, de San Antonio, and la fille afro-américaine par Delphine Diallo, une photographe française et sénégalaise vivant à New York (cliquez sur les affiches pour voir les photographies source).
La même organisation est à l'origine en 2019 d'un nouveau projet We the Future.
Le travail graphique de Sherpard Fairey est influencé par Andy Warhol: comme lui, il utilise des photographies traitées pour en réduire les tonalités (mais son usage de la couleur est très différent). Il s'inspire du pop art, auxquel il combine à l'infini une multitude de codes graphiques: des motifs purement décoratifs et complexes qui évoquent l'art nouveau des années 20, les rayons solaires repris de la propagande révolutionnaire chinoise des années 60 (et du drapeau tibétain!), la rose...
Comme Andy Warhol, il réexploite ses oeuvres dans de multiples versions. Ainsi une variante de la femme représentée dans "Rise Above Rebel" a été peinte à Dallas (Etats-Unis) et la "Marianne" de Liberté, Egalité, Fraternité figure sur une affiche pacifiste (et un mural) de 2013. Le fond tricolore était une pratique courante des usagers des réseaux sociaux après les attentats du 13 novembre 2015 en région parisienne, récupérée elle aussi par Obey.
Certains ont même écrit que Shepard Fairey ne savait pas dessiner, aucun des éléments présents dans ses oeuvres n'étant une création originale (Mark Vallen, 2007). Quoi qu'il en soit la combinaison de ces éléments possède une incontestable force de communication (ce qui explique le succès des affiches et pour les murals, une visibilité contradictoire avec leur intégration dans l'environnement).
Les œuvres de Fairey ont été elles-même détournées (un exemple avec le portrait de Nicolas Sarkozy par Greenpeace et des exemples plus nombreux ici). Le problème est que Sherpard Fairey a du mal à accepter le pastiche de ses œuvres alors qu'il pastiche abondamment celles des autres, parfois à la limite du plagiat.
La controverse est d'autant plus forte que Fairey gagne beaucoup: un exemplaire de la marianne de 2016, éditée à 450 exemplaires s'est vendu 3 380 USD en 2017 chez Artcurial. La même réalisée sur toile au pochoir et à l'aérosol en exemplaire unique s'est vendue plus de 200 000 euros en 2019 toujours chez chez Artcurial !
En 2019 Shepard Fairey effectue une "rétrospective mondiale" : Grenoble, Paris, Londres, des villes canadiennes et américaines. A chaque fois exposition, grande(s) fresque(s) officielle, collages plus officieux (Voir ci-dessus pour les fresques grenobloise et parisienne).
Bibliographie
Site officiel.
Obey, sur le site de la galerie Itinerrance qui a organisé ses interventions parisiennes de 2016.
↑ HOPE, l'histoire secrète de l'affiche de Barack Obama, sur le site du Journal Le Figaro.
↑ Aux origines de la Marianne que Macron adore, sur le site du Journal Le Parisien.
↑ Obey Plagiarist, par Mark Vallen.
↑ Marianne pleure, par Hiya.
↑ Paul Ardenne. Larmes de sang sur la Marianne d'Obey : art ou vandalisme ?. France Culture.
Obey, sur le site de la galerie Itinerrance qui a organisé ses interventions parisiennes de 2016.
↑ HOPE, l'histoire secrète de l'affiche de Barack Obama, sur le site du Journal Le Figaro.
↑ Aux origines de la Marianne que Macron adore, sur le site du Journal Le Parisien.
↑ Obey Plagiarist, par Mark Vallen.
↑ Marianne pleure, par Hiya.
↑ Paul Ardenne. Larmes de sang sur la Marianne d'Obey : art ou vandalisme ?. France Culture.