A Bhaktapur le nouvel an népalais est l'occasion d'une procession du dieu Bhairab (avatar terrifiant de Shiva) transporté sur un chariot de plus de 10m de hauteur. C'est ici la fête la plus importante de l'année, drainant des foules venues de toute la vallée, surtout la veille et le jour du nouvel an lui-même, journées pendant lesquelles la ville perd sa tranquilité habituelle.
Les festivités commencent plusieurs jours à l'avance. Elles sont l'occasion d'une lutte acharnée entre l'est et l'ouest de la ville qui tirent en sens opposé sur les cordes attachées au chariot. Les gagants de la bataille veilleront sur la statue du dieu tant qu'elle n'aura pas regagné son temple de Taumadhi Tole. La bataille terminée, le chariot est descendu par la rue qui mène de Taumadhi Tole à Khalna Tole (vous comprenez à présent les "canivaux" présents de chaque côté de la chaussée, qui servent à guider les roues du chariot et à éviter qu'il ne touche les édifices bordant cette rue étroite). A la proue du chariot est placée l'effigie du dieu Betal qui réside habituellement dans un petit temple juste derrière celui de Bhairabnath. Badrakali, l'épouse de Bhairab les accompagne sur un char plus petit.
Le soir du nouvel an, une nouvelle lutte à la corde permet d'abattre le lingam.
De nombreuses légendes s'attachent à cette fête. Un célèbre guide australien rapporte celle-ci: «Les amants successifs d'une des filles du roi de Bhaktapur étaient toujours retrouvés morts au petit matin. Un jour survint un valeureux prince qui réussit à rester éveillé après ses ébats. En pleine nuit il vit surgir deux filaments des narines de la princesse, filaments qui se transformèrent en serpents mortels. Le prince réussit à les tuer d'un unique coup de glaive. Le prince et la prinesse vécurent ensemble à jamais et eurent beaucoup d'enfants.» Selon cette légende, les deux grandes bannières qui pendent du mât de Khalna Tole représentent les deux serpents.
Il arrive que le lingam ne puisse être érigé, ce qui annonce de grands malheurs (mais le séisme de 2015 est arrivé malgré son érection).
En pratique
N'attendez pas le jour du nouvel an (Bisket Jatra, mi-avril) pour venir à Bhakatapur car, de mon point de vue, les moments les plus marquants des festivités se déroulent quelques jours avant ! L'érection et l'affalement des lingams suscitent le plus d'intérêt de la part des népalais, mais sont peu photogéniques et se déroulent généralement de nuit, si tant est que vous arriviez à bien vous placer.En 2015, les compétitions entre clans opposés pour tirer à soi le chariot de Bhairab étaient organisées l'avant-veille du nouvel an sur Taumadhi Tole (et peut-être plus tôt ailleurs ?); c'est peut-être ce qui est le plus facile à observer car la place est assez grande (et l'assistance sans doute moins nombreuse que les jours suivants); plus on se rapproche du nouvel an et plus la foule qui se presse dans les rues étroites et les petites places de Bhaktapur est dense.
Je ne suis arrivé à Bhaktapur que la veille du nouvel an; vers midi, le mât de la place des potiers était érigé, tandis que les chariots de Bhairab et Badrakali étaient (très lentement) descendus vers Khalna Tole dans l'après-midi et la soirée; le mât de Khalna Tole était érigé tard dans la nuit.
Les activités cultuelles (offrandes aux dieux) qui ont lieu toute l'année à l'aube sont bien plus intenses le jour du nouvel an et de nombreux orchestres parcourent la cité en journée. Des processions d'autres déités que Bhairab et sa consort ont lieu les jours qui précèdent le nouvel an.
Il est clair que vous avez encore plus de motifs qu'à l'habitude de vous héberger sur place. Une partie des chambres de la Sunny guest house donne sur Taumadhi Tole, ce qui peut avoir un intérêt lors des compétitions se déroulant autour du chariot de Bhairab. Les mouvements incontrôlés du mât de 25m lors de son érection ou de son affalement ont parfois provoqué des accidents: restez à bonne distance.