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Dossiers photographiques

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Le Chevet de Notre Dame de Paris
© Michel Racine
La construction initiale de cette cathédrale, concurrente de la basilique royale de Saint-Denis, s'étend sur près de cent ans, probablement en raison des difficultés de financement, de 1163 à 1250. Dans cette période d'expansion et d'évolution accélérée de l'art gothique, le monument final est d'une apparence très différente de celui conçu au début.

Une flèche de pierre s'élève au dessus du transept vers 1230. Des remaniements très importants sont effectués au cours et immédiatement après cette période: allongement du transept, agrandissement des fenêtres supérieures de l'abside et de la nef jugées trop sombres, transformation en toit terrasse des deux niveaux inférieurs de la toiture (pour permettre l'agrandissement des fenêtres) et au contraire augmentation de la pente de la toiture supérieure; ajout des arcs-boutants du chevet et de la nef (leur rôle est plus d'évacuer les eaux de pluie que de soutenir les murs). Sur la façade, l'idée de surmonter les tours de flèches est abandonnée et la galerie des colonnes est ajoutée en avant de la base des tours.

Les arcs-boutants à double volée sont remplacés au début de 14e siècle par des arcs boutants à simple volée particulèrement audacieux.

Entre les murs des contreforts, les chapelles périphériques de la nef et du coeur sont ajoutées progressivement à partir de 1250, financées par des ecclésiastiques et des membres de la noblesse désireux d'être présents dans ce haut lieu de la vie parisienne. La construction de ces chapelles supprime l'éclairage direct des nefs latérales et du déambulatoire assombrissant l'intérieur.

En 1756, les chanoines jugeant l'édifice trop sombre font remplacer les vitraux du moyen-âge de la nef par du verre blanc, une perte inestimable, mais les rosaces sont conservées (malheureusement les vitraux de la rose ouest, les plus anciens sont masqués par l'orgue). Le portail central est modifié pour permettre le passage des processions.

Pendant la révolution les statues de la galerie des rois de Juda sont décapitées (certains pensaient qu'il s'agissait des rois de France alors que cette galerie représentait les ancêtres du Christ); la plupart des têtes sont aujourd'hui conservées au musée de Cluny. Les grandes statues colonnes des portails sont également détruites. En 1786, la flèche endommagée par les intempéries menace de s'effondrer et est démontée (entre 1786 et 1792). En 1792 les gargouilles sont déposées. En 1793 l'église est transformée en temple de la raison, puis en entrepôt. Restaurée à l'usage du culte en 1802 la cathédrale est dans un état de délabrement important mais Napoléon s'y fait couronner deux ans plus tard. En 1831 des émeutiers brisent quelques uns des vitraux qui subsistent et pillent l'archevéché. La même année, Victor Hugo publie "Notre Dame de Paris", un roman qui s'inscrit dans le courant de pensée romantique et contribue à sauver le bâtiment de la démolition.

A partir de 1850 Jean-Baptiste Antoine Lassus puis Eugène Viollet-le-Duc bénéficient de crédits qui permettent la restauration. Ils s'attachent surtout à reconstituer la statuaire en s'appuyant sur les archives existantes. Si la façade est une réussite (le portail central est plus ou moins restitué dans son état d'origine avant les modifications du 18e siècle, ainsi que la galerie des rois), lorsque les documents manquent et surtout après la mort de Lassus, Viollet le Duc se laisse facilement emporter par son imagination. Il ajoute des animaux fantastiques (chimères) sur les 4 faces des tours, vaguement inspiré par les têtes des gargouilles du moyen-âge (dont le but était semble-t-il d'éloigner les esprits malfaisants), gargouilles qu'il va aussi considérablement restaurer.
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Projet pour la restauration de la façade (dessin de Viollet le Duc, domaine public)

Viollet le Duc caressait l'idée de surmonter les tours de flèches, la structure ayant été conçue dès l'orgine pour les supporter (?). Probablement limité par les finances disponibles il doit se contenter de reconstruire la flèche du transept.
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Statue de Viollet-le-duc, placée par lui-même à la base de la flèche; © Bruce Dale / National Geographic Collection, vers 1968.

Il fait réaliser par le charpentier Bellu (ou par maitre Georges ?) une flèche beaucoup plus haute (96 m) que l'originale et que celle de son projet initial; elle est construite comme la toiture, en plomb sur une armature de bois et pèse 750 tonnes. La flèche est terminée en 1859. Elle est surmontée par un coq et ornée de chimères ailées, de rapaces, de motifs floraux, de perles, toutes en plomb.

A sa base, Viollet-le-Duc ajoute 12 statues en cuivre représentant les apôtres. Il n'hésite cependant pas à représenter l'un des apôtres (Saint-Thomas, patron des architectes) sous ses propres traits (c'est le seul "apôtre" dont la tête n'est pas tournée vers le bas, mais vers le haut de la flèche, à observer côté sud).
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La règle d'architecte de Viollet-le-Duc, un excès de vanité ? © auteur inconnu.


En 1871, pendant la commune de Paris, la cathédrale échappe de justesse à l'incendie.

Le 15 avril 2019, à la suite de travaux de rénovation de la flèche celle-ci prend feu ainsi que l'ensemble de la toiture. Une partie de cette toiture du datait du 13e siècle, l'autre des rénovations de Viollet le Duc. L'incendie provoque une pollution massive du voisinage par le plomb: les 460 tonnes contenues dans la toiture et la flèche partent en fumée et se déposent sur les trottoirs, les ponts, dans les jardins publics et les cours d’école, ou encore sur les rebords de fenêtre des riverains de la cathédrale. Ce qui représente quatre fois les émissions annuelles de plomb dans l’atmosphère, de la France entière.

Notre Dame de paris n'a pas échappé aux polémiques sur la reconstruction à l'identique ou pas. Il eut été évidemment possible de reconstruire la toiture sans la flèche de Viollet le Duc. Mais, près de 150 ans après sa mort, ce dernier dispose toujours de "dévots" actifs et influents.

Si les 2 000 chênes coupés pour reconstruire la charpente n'ont pas fait le poids face aux dons massifs enregistrés après l'incendie, la couverture en plomb a fait débat, mais un débat escamotté (Lorène Mesot, 2023). N'oublions pas que la cathédrale de Chartres a une charpente métallique (qui a elle-même servit de modèle à la charpente de la basilique royale de Saint-Denis). Et que la toiture de Saint-Denis est en cuivre.

Depuis avril 2023, le parquet de Paris enquête sur les conséquences potentiellement néfastes de l'incendie pour la santé, après que plusieurs familles et associations aient déposé plainte. La seule toiture, constituée de 1326 plaques, émettrait environ 21 kg de plomb par an dans les eaux de ruissellement.

Le choix du plomb, c'est le respect de la tradition, mais c'est surtout parce que sa mise en œuvre était plus rapide que celle d'autres métaux; discutable.

Les vitraux du Moyen-Age

Les seuls vitraux médiévaux toujours en place sont ceux des trois roses ouest, nord et sud, datées du 13e siècle.

C'est le chantier de restauration qui a permis, à partir de 2021, un réexamen critique de l'authenticité des verrières ornant ces trois roses. Malheureusement la rose ouest, la plus belle est en partie masquée par l'orgue.

La rose ouest (façade)

La façade occidentale, dont la construction commença peut-être avant 1190, était achevée en 1245. Les vitraux de sa rose, datables autour des années 1230, illustrent une psychomachie (combat des vices et des vertus), un zodiaque et les travaux des mois. La rose ouest développe vingt-quatre rayons sur trois cercles concentriques. La Vierge à l’enfant domine le centre de la composition. Le premier cercle représente les douze tribus d’Israël. La moitié supérieure de la rose décrit par paires les vices et les vertus. Les douze signes du zodiaque associés aux travaux des mois de l’année recouvrent la moitié inférieure de la rosace.

Source: Christian Dumolard. Gigascope. Ce site permet de zoomer sur une image en haute résolution.
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Marie en magestée, au centre de la rosace. Source: Christian Dumolard. Gigascope

Onze panneaux seraient anciens: la douceur (B12), un prophète (D4), la lâcheté (D5), la force (D11), octobre (E12), vierge (F6), cancer (G6), verseau (J5), l’avarice (L5), la charité (L11), la persévérance (L12), ou restaurés anciennement: capricorne (D6), prophète (F4), avril (F12), juin ? (G12), prophète (H4), taureau (H6), prophète (J4), l’orgueil (J6) (Lafond, 1959).

Au 19e siècle, une Tentation d'Adam et Ève et une Scène de sacrifice, sont retirés et ont été replacées bien plus tard (en 1965) dans les tympans des baies de la chapelle d'Harcourt (baies 10 et 12).

La rose nord

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Rose nord. Source: Zachi Evenor based on File:North rose window of Notre-Dame de Paris, Aug 2010.jpg by Julie Anne Workman, CC-BY-SA

La création des vitraux remonte au milieu du 13e siècle; ils illustrent la Vierge et des figures de l’Ancien Testament.

Toujours d'après Jean Lafond, les panneaux comportant le plus de verres anciens seraient: Osée (A4), Ozias (A13), Michée (B4), Achias ? (B20), Joachaz (C14), Azarias (C27), Malachie (D4), Samuel (D14), Manassès (D20), Ahialon (E14), Méraioth (E20), Joachaz (E27), Zacharie (F4), Asa (F14), Aaron (F27), Ezéchiel (G4), Joram (G13), Ochosias (G14), Héli (G27), Moïse (H14), Amarias (H20), Achitob (H27), Ahiud ? (I14), Sadoc (I20), Jioada (I27), Abiathar (J20), Azarias (J27), Habacuc (K4), Amarias (K20), Jérémie (L4), Achaz (L13), Nahum (M4), Abimelech (M14), Achab (M20), Jephté (N13), Abdon (N14), Jechonias ? (N20), Phinées (N27), Josaphat (O13), Sellum (O20), Ozi (O27), Isaïe (P4), un juge (P13), Saül (P14), Eliacim ? (P20), Zarahias (P27).

La rose sud

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Rose sud. Source: Wikimedia, HerrAdams, CC-BY-SA

Un peu plus tardive, elle date toujours du 13e siècle et son diamètre de près de 13 m est identique à celui de la rose nord. Elle est constituée de douze pétales rayonnants et a été considérablement restaurée.

Elle comporte quatre-vingt-quatre panneaux répartis sur quatre cercles. Leur nombre s’articule sur les chiffres symboliques quatre, douze et vingt-quatre. Les douze apôtres sont répartis dans les deux cercles. Ils se mélangent à des saints martyrs souvent honorés en France parmi lesquels Laurent, Denis (premier évêque de Paris), Pothin (évêque de Lyon), Marguerite, Blandine, Georges, Ambroise, Eustache. Le troisième et le quatrième cercle décrivent des scènes du nouveau et de l’ancien testament, fuite en Égypte, guérison d’un paralytique, jugement de Salomon et annonciation. Neuf scènes de la vie de Saint Matthieu datent de la fin du XIIe siècle.

Les panneaux anciens seraient : martyre (A12), vierge sage (B12), ange céroféraire (C23), le baptême du roi Egippe (D17), un chevalier (G8), saint Matthieu devant Hirtacus (G17), apôtre (H2), ange porte couronne (H19), vierge sage (I12), ange céroféraire (J23), martyre (K12), martyre (L19).

En pratique

Depuis la réouverture de la cathédrale à l'automne 2024, l'accès, que vous soyez catholique (pélerin) ou simple touriste, est gratuit, mais nécessite une réservation préalable, distincte pour les pélérins et les autres visiteurs (cf le site officiel ci-dessous). Il s'agit de gérer une affluence considérable. Et si vous n'avez pas pu obtenir de créneau, remplacez cette visite par celle de la cathédrale - basilique de Saint-Denis, sa concurrente depuis le moyen-âge, vous ne le regretterez pas !

Les vitraux du Moyen Âge. Ministère de la culture.

 ↑ Lorène Mesot. 5 décembre 2023. A un an de la réouverture de Notre-Dame, la flèche de la cathédrale plombe la fête. Le Temps.

8 décembre 2023. A un an de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le choix du plomb fait polémique. RFI.

 ↑ Jean Lafond. Notre-Dame in Marcel Aubert, Louis Grodecki, Jean Lafond et Jean Verrier. Les Vitraux de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle de Paris. Corpus Vitrearum-France, 1, Paris, 1959, pp. 13-67, pp. 335-336.

Kenneth MacLeish (texte) et Bruce Dale (photographies). 1968 (2019). L'Ile de la cité. National Geographic.

Bibliographie

Cathédrale Notre Dame de Paris Le site officiel.

Notre-Dame de Paris. Ministère de la culture.